Déclaration d’Heddah Khamosh à la conférence d’OSLO
23 janvier 2022
Note : Une source de la réunion d’Oslo d’aujourd’hui a déclaré à 8 heures du matin que Hedda Khamosh avait demandé à Amir Khan Mottaghi, ministre des Affaires étrangères par intérim du gouvernement taliban, d’appeler Kaboul et de demander aux talibans de la capitale de libérer Parvaneh Ibrahimkhel et Tamanna Pariani et ses sœurs avant le début officiel de la réunion. Selon les informations de la source, Mottaghi a appelé Kaboul et a ensuite dit à la réunion qu’il y avait des personnes instables dans les rangs talibans, ce que la Commission de purge rejette. Il a déclaré que les filles qui manifestaient avaient été arrêtées par ces personnes, mais qu’elles avaient tenté de les retrouver et de les libérer.
Plus tôt, le ministère de l’Intérieur du gouvernement par intérim des talibans, après avoir affirmé avoir arrêté les filles qui manifestaient à Kaboul, a déclaré que les talibans ne les avaient pas arrêtées
EN FRANÇAIS
Discours de la représentante de la société civile afghane, Mme Hoda KHAMOSH, à Oslo, en Norvège
– Publié le 23 janvier 2022
Au nom du Dieu de la liberté et de l’égalité.
Je m’appelle Hoda Khamosh, une femme parmi les millions de femmes d’Afghanistan. Ici, je ne représente aucun groupe ou faction politique. J’ai vécu sous le régime des Talibans pendant cinq mois et huit jours à Kaboul. Je suis venue ici à l’invitation du gouvernement norvégien pour diffuser le message des femmes d’Afghanistan qui protestent dans les rues du pays contre la répression et la terreur dont le monde est responsable. Je suis arrivée ici vivante, loin de l’ombre des fouets et des balles.
Ce que je dis ici, ce sont les mots de millions de citoyens afghans qui sont coincés au milieu du désastre et de la destruction. Des millions de femmes sont actuellement soumises à un apartheid de genre par les Talibans. Les femmes sont systématiquement éliminées, niées, insultées et humiliées.
Après s’être emparés de Kaboul, les talibans ont créé un régime factionnel et policier par le biais d’assassinats et de coercition, et en marginalisant et éliminant une grande partie de l’Afghanistan. Au cours des cinq derniers mois, les talibans ont privé les citoyens de leurs droits fondamentaux ; ils ont confiné les femmes à l’intérieur des maisons, les ont privées d’éducation ; ils ont tué et torturé leurs opposants, pour la plupart d’anciens membres des forces de sécurité nationales afghanes, et ils ont perpétué une discrimination systématique à l’encontre des autres groupes ethniques. Les talibans ont également créé leur mécanisme d’interrogation des croyances et des comportements des gens au nom du [ministère de] la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice.
J’attire maintenant votre attention sur quelques-unes des nombreuses listes de crimes et d’assassinats qui ont eu lieu au cours des cinq derniers mois.
1. Le photojournaliste, M. Morteza SAMADI, a été arrêté et torturé par les Talibans le 7 septembre 2021, lors d’une manifestation civile à Herat.
2. Mme Alia AZIZI, l’ancienne directrice de la prison pour femmes de Herat, a disparu depuis plus de cinq mois.
3. M. Taqi DARYABI et M. Nematullah NAQDI, journalistes du quotidien Etilaatroz, ont été arrêtés et gravement torturés par les talibans alors qu’ils couvraient les manifestations du 7 septembre 2021 à Kaboul.
4. Des dizaines de jeunes ont manifesté à Balkh les 7 et 8 septembre pour réclamer leurs droits et libertés. Les talibans ont arrêté 70 manifestants, dont 40 jeunes filles, et les ont transférés dans un lieu inconnu. Ils ont été torturés et certains d’entre eux ont été violés. Une semaine plus tard, les corps de huit détenus ont été retrouvés dans les rues de la ville [de Mazar]. Plusieurs femmes détenues ont été assassinées après leur sortie de prison. Mais le sort des neuf filles détenues est toujours inconnu et elles sont toujours portées disparues.
5. Mercredi dernier, cinq de mes camarades, Mme Tamana Zaryab PARYANI, ainsi que ses trois sœurs Zarmina, Shafiqa et Karima, et une autre militante civile, Mme Parwana IIBRAHIMKHEL, qui protestaient contre les politiques des talibans, ont été arrêtées. Cela s’est produit dans l’obscurité de la nuit, après avoir enfoncé le portail de leur maison. Elles ont été emmenées dans un lieu inconnu et leur sort est inconnu.
Je ressens leur douleur à des milliers de kilomètres de là, avec mes os, et j’entends leurs cris sous la torture des talibans.
La question est la suivante : pourquoi les talibans nous emprisonnent-ils à Kaboul et s’assoient-ils maintenant à la table des négociations avec nous à Oslo ? Que fait la communauté internationale face à toute cette torture et cette répression ?
La répression et l’assassinat ont lieu sous vos yeux. En gardant le silence ou en tolérant les talibans, vous êtes en partie responsables de ces crimes et répressions commis contre les hommes et les femmes d’Afghanistan. Je retourne en Afghanistan, mais je ne sais pas ce qui nous attend.
Je demande à la ministre norvégienne des affaires étrangères comment il se fait qu’elle ait contourné le droit international et invité ces personnes qui figurent sur la liste des sanctions [internationales]. N’est-ce pas une reconnaissance indirecte [du régime] ?
Au nom des manifestantes afghanes, je propose les quatre points suivants pour rétablir un certain ordre civil en Afghanistan :
1. M. Amir Khan MOTTAQI doit prendre son téléphone maintenant et appeler Kaboul. [Il doit ordonner la libération immédiate de Tamana Zaryab Pariani et de ses trois sœurs (Zarmina, Shafiqa et Karima), de Parwana Ebrahimkhel et de Halia Azizi, et ouvrir les portes de toutes les écoles sans condition.
Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les Conventions Internationales sur les Droits Civils et Politiques, tout être humain a le droit de prendre part à une assemblée pacifique contre les lois inhumaines et anti-droits de l’homme. Nous, les femmes manifestantes, avons seulement réclamé nos droits avec le slogan « du pain, du travail et la liberté ». Cependant, les talibans nous ont arrêtées, torturées et humiliées.
2. Les femmes d’Afghanistan veulent l’égalité des droits. Jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution soit créée, le deuxième chapitre de la constitution précédente doit être maintenu pour restaurer et reconnaître les droits fondamentaux des citoyens. Les talibans et aucun autre groupe n’ont le pouvoir de restreindre nos droits fondamentaux. Toute forme de redéfinition des droits et des libertés doit se faire par le biais de dialogues nationaux et d’un consensus collectif.
3. Un Conseil autoritaire et indépendant devrait être établi par les Nations Unies, composé des familles des victimes, des victimes, des représentants du peuple et des organismes internationaux indépendants de défense des droits de l’homme. [Le Conseil devrait] surveiller et enquêter sur la conduite et les politiques des Talibans. Le Conseil devrait enquêter sur [la situation à l’intérieur] des prisons talibanes et libérer immédiatement les prisonniers d’opinion en fonction de leurs [convictions] politiques et de leur sexe. Ensuite, le Conseil devrait se pencher sur tous les crimes de guerre commis au cours des vingt dernières années.
4. Pour rétablir l’ordre et la stabilité politiques, l’Afghanistan a besoin d’un système légitime fondé sur l’approbation de tous les citoyens. Nous avons besoin de l’accord des factions politiques et des différents segments du peuple sur une feuille de route pour une solution politique et démocratique au dilemme de l’Afghanistan. Les solutions traditionnelles, telles que la tenue d’une Loya Jirga, ne peuvent remplacer les moyens démocratiques d’établir la légitimité politique.
Le nouveau chapitre de notre lutte pour un Afghanistan qui respecte les droits et l’égalité de tous les citoyens, en particulier des femmes, a commencé il y a cinq mois et huit jours, et nous avons encore un long chemin à parcourir. La communauté internationale ne doit pas nous fermer les yeux.
Dans l’espoir de la liberté et de l’égalité. Hoda Khamoush
Oslo – Norvège
Traduit par Sabir Ibrahimi à partir du texte original en farsi du 8am‧af.