La justice européenne décide que toute femme afghane peut prétendre au statut de réfugié

L’ensemble des femmes afghanes, en raison des mesures discriminatoires à leur encontre par les talibans, peuvent obtenir l’asile « uniquement » sur la base de leur sexe et nationalité, a jugé ce vendredi 4 octobre la justice européenne, saisie d’une affaire autrichienne.

Publié le : 05/10/2024

Selon un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), « Les autorités compétentes des États membres peuvent considérer qu’il n’est pas nécessaire d’établir que la demandeuse risque effectivement et spécifiquement de faire l’objet d’actes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine ». « La seule prise en considération de sa nationalité et de son sexe est suffisante », ajoute-t-elle.

La juridiction, qui siège à Luxembourg, répondait à une demande de la Cour administrative autrichienne après le refus par les autorités de reconnaître le statut de réfugiées à deux Afghanes. Qu’il s’agisse du mariage forcé, qui est assimilable à une forme d’esclavage, ou de « l’absence de protection contre les violences fondées sur le sexe et les violences domestiques », il s’agit « d’actes de persécution », juge la Cour. Plus largement, « l’effet cumulé et l’application délibérée et systématique » de mesures discriminatoires aboutissent à « dénier, de manière flagrante, les droits fondamentaux liés à la dignité humaine ».

Un même traitement dans toute l’UE

Si les États membres restent souverains pour accorder ou non l’asile, les décisions de la CJUE sont amenées à faire jurisprudence. Au sein de l’UE, la Suède, la Finlande et le Danemark accordent déjà le statut de réfugiées aux femmes afghanes. En France, la cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait estimé en juillet que « l’ensemble des femmes afghanes » en tant que « groupe social » étaient désormais susceptibles d’obtenir l’asile.

Appliquant de manière ultra-rigoriste la loi islamique, les talibans ont depuis leur retour au pouvoir, en août 2021, imposé un « apartheid de genre », selon l’ONU. Actuellement, les Afghanes ne peuvent plus étudier au-delà du primaire, aller dans les parcs, les salles de sports, les salons de beauté, ni quasiment sortir de chez elles sans chaperon. Une récente loi leur interdit également de faire entendre leur voix en public.

Yelena Tomitch de RFI a reccuelli la réaction de Shoukria Haida, féministe et présidente de NEGAR une association de soutien aux femmes Afghanes, créee en 1996, lors de la précédente prise de Kaboul par les Talibans. 

« C’est une décision humaine de reconnaître enfin les misères de ces femmes et toutes les difficultés qu’elles vivent. Au moins pour celles qui se trouvent sur le territoire européen, qui ont pu s’échapper et arriver jusqu’ici. Pour ma part, en tant que militante pour les droits des femmes, en tant que femme afghane, je ressens la douleur de ces femmes et, moi-même personnellement, je me sens insultée par ce qui se passe en Afghanistan et cette décision de la Cour européenne, c’est une manière de reconnaître cette injustice ».

« Je suis contente qu’il y ait une pression de la part de la Cour de justice européenne pour demander d’appliquer cette mesure. Mais il y a des millions de femmes et de filles aujourd’hui qui vivent dans une prison ouverte, en Afghanistan. Et ce sera la même chose pour les générations suivantes si on ne fait rien pour nous débarrasser des talibans. Donc j’ai lancé un appel auprès de tous les gens de conscience, des autorités en France et au-delà, au niveau de l’Europe, faisons en sorte de nous débarrasser de cette barbarie, faisant en sorte d’effacer cette barbarie de notre planète ».